2024
  • « Science/Fiction. A Non-History of Plants », exposition collective, la MEP, Paris
  • « strip », Foto Tallinn, Tallinn
  • « Shoko », exposition personnelle, galerie Javault, Paris
  • « strip », accrochage, Ensemble Books, Marseille
2023
  • « strip », espace Jörg Brockmann, Curiosa, Paris Photo
  • « À partir d’elle. Des artistes et leur mère », Le Bal
  • « tempête après tempête », exposition personnelle, espace Jörg Brockmann, Genève

    À partir de rencontres, de témoignages et de mythes ancestraux récolté.e.s par l’artiste Rebekka Deubner au gré de ses voyages au Japon, l’exposition tempête après tempête invite à une immersion dans tous les champs de la vie humaine et non humaine, et dans leurs interrelations. Elle est le dernier volet d’une recherche photographique débutée en 2014 sur les réminiscences de la triple catastrophe du 11 mars 2011 dans la préfecture de Fukushima, tant dans les corps que dans les paysages qui ensemble composent ce territoire abîmé.

    Les photographies de cette série évoquent une zone crépusculaire, par définition sombre et froide mais qui grouille de vie — à l’image de ces algues capturées de nuit au flash, abandonnées aux cloportes sur les plages de Fukushima par les habitant.e.s qui ont cessé de les ramasser pour soupçon de contamination radioactive. Il y a quelque chose d’organique dans ces algues luisant à la surface de l’image, ne laissant jamais place à l’horizon. Une impression renforcée par leur mise en regard avec des photographies de même format dont le cadrage circonscrit des morceaux de visages, de chevelures, d’oreilles ou de mains, mouillé.e.s d’humidité, de sueur, ou de larmes peut-être. Un oeil ouvert, l’air pensif, semble se promener dans un ailleurs, alors qu’un autre se tient fermé — pour mieux voir le présent ou s’en échapper? Même procédé que pour les algues venues des profondeurs de la mer, ces fragments de corps ont été capturés de façon extrêmement rapprochée à l’aide d’un téléobjectif, invitant le regard à se plonger littéralement dans les pores de ces peaux.

    Dans l’exposition, la série se déroule tel un ruban d’images se succédant, prêtes à se mettre en mouvement, comme si elles étaient en cours de montage au sens cinématographique du terme. En contrepoint, une photographie, plus grande, vient rompre le rythme, rappel d’une série précédente, Des filles la mer et une grotte (2014) conçue à partir du mythe fondateur d’Amaterasu O mi kami, déesse du soleil dans le shintoïsme, cet ensemble de croyances qui soutient la présence d’une réalité abstraite, animée et divine en toute chose. L’histoire raconte qu’en réaction aux provocations de son frère Susanoo, le dieu des tempêtes, Amaterasu se serait réfugiée dans une grotte plongeant l’univers dans l’obscurité et le chaos. Tirée d’un livre consacré à cette série, l’image d’une jeune femme dormant, avec en surimpression celle d’une plage, teinte en arrière-fond l’exposition de ces croyances animistes par ses jeux de textures. Elle est une sorte de corps-paysage, entre « subjectivation de l’environnement et environnementalisation du sujet ».

    Une vidéo, construite de bribes d’un témoignage enregistré par l’artiste auprès d’une autre jeune femme rencontrée à Fukushima, donne voix à l’ensemble. Keiko y décrit l’« avant » et l’« après » catastrophe, « luttant mentalement » contre ce qu’elle définit comme deux réalités en elle, le souvenir d’ « une vie heureuse » avant 2011, et le présent d’ « une vie correcte » post-traumatique. Le récit de ses paroles entrelacées révèle la manière dont la catastrophe est entrée dans son corps, mais aussi dans celui de sa communauté pour s’y nicher, mentalement, socialement et territorialement. Ce triple péril n’est pas sans rappeler l’avertissement du philosophe Félix Guattari dès 1989 dans ses Trois écologies, soit la nécessité de penser dans nos sociétés capitalistes, la corrélation entre ce qu’il nomme l’écologie mentale, l’écologie sociale et l’écologie environnementale. Par cette articulation, il exprime le fait que « les perturbations environnementales ne sont que la partie visible d’un mal plus profond et plus considérable, relatif aux façons de vivre et d’être en société sur la planète et qu’il convient de faire s’étayer ces différentes écologies pour recomposer des subjectivités individuelles et collectives ». Un enchevêtrement que la catastrophe de Fukushima n’a fait que re-dévoiler, tant à l’échelle de ses causes que de ses conséquences. De façon abstraite, tempête après tempête touche à ces différentes écologies. Pour exemple dans la vidéo, les variations de couleurs roses à l’écran semblent figurer à la fois le grain d’une peau filmée de trop près et un ciel s’embrasant à l’heure où le soleil se couche (ou se lève). Quant aux mots de Keiko, ils convoquent l’agitation à la fois intime et collective, psychologique et politique, déclenchée par la catastrophe. De même, la mise au point dans les photographies diffèrent et tournent autour de ce qu’il importe de saisir. Où faire le point? Où mettre l’accent? Sur un horizon bouché ou sur une algue contaminée? Sur une centrale électrique ou sur un visage? Fatalement sur tout à la fois.

    Derrière ce dispositif artistique — de la prise de vue à l’exposition de ses photographies, se joue l’enjeu de la recherche de Rebekka Deubner. Il ne s’agit pas de donner à voir le désastre dans ce qu’il a de spectaculaire, mais au contraire d’en signifier ses séquelles et ce qu’il métamorphose au plus profond des corps, qu’il soit humain, animal ou végétal. Des corps qui deviennent politiques par la manière dont ils tentent de « sortir d’une société de dépendance pour trouver des forces dans des situations d’interdépendance ». En choisissant dans ses cadrages de morceler la réalité post-Fukushima, la photographe fait bien évidemment écho à l’éparpillement de cette communauté mais aussi à la destruction des liens qui l’unissaient. Elle montre comment la catastrophe a ainsi emporté avec elle nombre de gestes quotidiens, de ceux qui relient une collectivité à son milieu de vie. Arrêter de ramasser des algues pour fertiliser les terres ou pour s’en nourrir n’en est qu’un exemple parmi tant d’autres.

    L’esthétique réflexive et la stratégie visuelle mises en place par l’artiste contiennent ainsi les tensions et les complexités qui caractérisent les processus de représentation, de mémoire — de guérison? — d’une catastrophe, d’origine naturelle ou humaine. Car prendre soin des manières de raconter quels que soient les moyens que l’on s’accorde (ici fragmenter, découper, réagencer, raccommoder) apparait comme un acte de réparation dans cette exposition où s’invite une poétique éminemment politique, où s’inventent des amulettes, tempête après tempête.

    - Élodie Royer

  • « Chaleur humaine », Vanités, gratuité, sublimation, Triennale Art & Industrie, LAAC, Dunkerque
2022
  • « Désirés », exposition collective, 110 Galerie, Paris
  • « Chlorophyles », exposition collective, Chapelle XIV, Paris
  • « Natsumi », exposition collective, Delpire&co, Paris
2021
  • « les morves d’azur », exposition personnelle, Progress Gallery, Paris
    les morves d’azur Progress Gallery, Paris, 2021

    Texte de Marion Delage de Luget – Collaborations avec Tristan Calvignac et Clara Gorse – Avec le soutien du Cnap 

    Rebekka Deubner est à sa manière une diariste. Sa pratique s’inscrit dans la continuité de ce pan de l’histoire de la photographie qui, depuis le début des années 1980, revendique une approche associant le banal, le micro-événement – ce presque rien à la base de nos existences –, et l’écriture de soi. Elle nous livre des photographies s’en tenant au plus près de son vécu, groupements d’images généralement conçues, présentées sous forme sérielle, laquelle laisse poindre entre elles le sentiment d’un continuum temporel et narratif. Des clichés qui font séquence. Récit-en-images d’ailleurs fréquemment compilés en publications et qui, selon les éditions ou les expositions, se trouvent encore parfois complétés par des objets – matière collectée évoquant paysages et espaces domestiques –, mais aussi par du texte ou un accompagnement sonore convoquant le cinématographique. Bien qu’innervée par la manifestation des formes plastiques et des thèmes de l’intime, l’Œuvre ne se cantonne pas strictement aux attendus de la photobiographie. Car si le territoire photographique de Rebekka Deubner coïncide avec son univers immédiat, elle s’attache pourtant à repousser l’horizon sémantique de son histoire personnelle vers une exploration plus large des notions d’intimité et de subjectivité.

    Ici, le récit introspectif qui sous-tend la mise en œuvre ne s’impose pas comme grille de lecture péremptoire. Il cède au contraire volontiers le pas à des topiques élémentaires. Le travail procède d’ensembles décidés par affinités de motifs génériques : la lune dans ses différentes phases, l’eau, le feu, les cavités naturelles ou encore les fleurs… ; et l’événement autobiographique inaugural de la prise de vue se trouve assourdi, comme disséminé dans la récurrence des signifiants.

    La pratique de désublimation de l’image que Rebekka Deubner met en œuvre traduit en définitive une urgence, celle de la conservation des souvenirs. Et ce, quitte à ce que la photographie affiche quelquefois la qualité d’une image vernaculaire, littéralement saisie au vol – comme ce cliché trop sombre au grain piqué de la porte du caveau familial (ce n’est pas la porte, c’est vraiment l’intérieur de la tombe familiale), révélée sous le morne bleuissement d’un flash. Cette photo dont la visée oblique laisse imperceptiblement percevoir la violence d’avoir à garder, dans ce contexte, l’œil derrière l’objectif.

    Rebekka Deubner sait délaisser la technique et le sens au profit de l’indicible. Il y a dans son travail une profusion d’imageries qui explorent ainsi les limites du présentables en faisant état du transitoire et de la décomposition. Comme ces amas d’algues pris plein cadre, de nuit, venant joncher une plage au Japon à quelques kilomètres de Fukushima – leur cueillette a cessé par peur des radiations et le goémon s’amoncelle maintenant, se putréfie, grouillant des cloportes qui s’en régalent.

    Une série en particulier manifeste le processus entropique : celle de ces bouquets dont Rebekka Deubner consigne l’éclatante profusion puis la lente décrépitude, chacun de ses clichés accusant davantage la vanité, soulignant l’éphémère de l’instant photographique. Les fleurs sont celle d’une tombe, la tombe celle de sa mère. Floraison et dépérissement indexent la perte incommensurable. Sur certaines images, quelques tiges vertes surgissent des monceaux de compositions fanées. Ou bien le cadre, plus large, laisse s’immiscer en arrière-plan des frondaisons, un tronc robuste – la végétation vivace du cimetière. C’est à la fois Eros et Thanatos. L’écriture de Rebekka Deubner ne pétrifie pas les oppositions, elle cherche au contraire cet écart par lequel se dégager des dialectiques duelles et des valeurs statiques. Dans son travail la limite cède à la circularité pour ouvrir une voie hors des oppositions réglées, dans un mouvement infini où la mort, l’éparpillement de la forme ne fait qu’étape.

  • « All paths connect at some point or another », exposition collective, The Fulcrum Press, Los Angeles
2019
  • « Squid Milk », Centre culturel tchèque, Photo Saint Germain, Paris
  • « Solaris - Saturnales », exposition collective, atelier de Julia Borderie et Simon Rafael Zaborski, Paris
    Solaris - Saturnales collaboration avec Livio Mosca et Olivier Magnier
  • « Le fruit de nos entrailles », Kunstszenen, Copenhague
    Le fruit de nos entrailles en collaboration avec Ken Sortais
  • « Images et curiosités », exposition collective, Villa Belleville, Paris
2018
  • « Jeune », exposition collective, la galerie du CROUS, Centre d’art contemporain de Nîmes, La Plateforme, festival Sept Off
    Jeune commissariat d'exposition avec Pauline Hisbacq
2016
  • « Autofictions », exposition collective, Under Construction Gallery
  • « White Trash », Carte blanche avec Point Contemportain, YIA, Bruxelles
2015
  • « des filles, la mer et une grotte », Straat Galerie, La Photographie Marseille, Marseille