White trash

Présenté en Belgique, Bruxelles dans la cadre d'une carte blanche de Point Contemporain à la Young International Artfair, 2016.

Ceci est un poème visuel à propos de choses qui prennent forme et disparaissent par la même occasion.
La photographie est pour moi une forme de collection, une accumulation sans fin et grandissante d’objets, de corps et de moments qui m’attirent : en les photographiant je me les approprie. L’image ainsi créée du sujet désiré existe à travers moi et m’appartient, contrairement à l’objet en soi. De cette façon, j’essaie de les sauver de la page blanche, de l’esprit oublieux. Une pratique qui remonte à l’enfance, où la tenue d’un journal intime complétée par la compilation de pierres, de fleurs séchées me donnait un moyen de retenir les choses en les extrayant du quotidien et de leu contexte, formant de cette manière un petit univers métaphorique et tangible à la fois.
En créant et en accumulant des photographies je construis l’histoire fragmentée, éphémère et évolutive d’une expérience qui s’éclipse. L’image devient le réceptacle de la mémoire et son déclencheur : la création devient ainsi une réponse possible à la disparition.
Les clichés composent une fable visuelle qui symbolise à mes yeux un entre deux, tant la page blanche qui précède la création que le souvenir palissant du moment déjà capturé et passé.
Le blanc est la lumière, du moins en photographie. Blanches sont aussi les surfaces monochromes ou les matières flottantes qui voilent la réalité d’une certaine douceur. Il renvoie à la surexposition, cette saturation de lumière où l’ombre n’est plus admise. L’image est alors à la limite entre l’apparition et la disparition, captant son sujet au risque de le brûler.
Si le flash révèle toutes les formes, il les aplatit, créant ainsi une surface plus ou moins uniforme, ramenant tout au premier plan.
Comme souvent dans mon travail, le dispositif importe autant que les images présentées. L’approche du spectateur est générée par sa propre curiosité car son oeil n’est accroché ni par une forme ni par de la couleur : il est confronté à un discours visuel discret qui lui est étranger et qu’il essaie de décrypter. Il doit s’attarder, s’intéresser, y regarder par deux fois pour percevoir les images : les murs sont peuplés de pâleurs volatiles, de mirages blanchâtres, de petits fantômes quotidiens.
Les accrochages en cours sont une source d’inspiration pour l’installation imaginée pour White Trash : j’envisage cette étape de la mise en place comme une forme d’exposition en soi mélangeant les matériaux bruts, de protection aux oeuvres à proprement parler. Ce qui m’intéresse n’est pas la pièce qui va se jouer mais la façon dont elle est préparée et pensée. Ce moment entre deux, « en cours » de montage a une esthétique qui lui est particulière, celle du non-fini, qui appelle toutes les évolutions, toutes les métamorphoses et ouvertures possibles. Un temps est en suspens : rien n’est encore fixé ni déterminé.
En composant des espaces non finis, des images où flottent des formes vaporeuses, diaphanes, à la limite de l’effacement, du tangible, du palpable, j’interroge cette idée initiale et fondatrice de la photographie comme création de reliques personnelles.