On the soft edge

Préfecture de Fukushima, Japon, 2014
présenté en France, Toulouse dans le cadre du festival ManifestO, 2015 et à Marseille dans le cadre de La Nuit de l'Instant organisée par Les Ateliers de l'Image, 2016

Pour raconter la préfecture de Fukushima et son paysage accidenté, j’ai choisi de rendre compte d’un lieu tout en surface, morcelé et sensible, privé de ligne d’horizon.
Mes images reflètent les contradictions et contraintes qui m’ont accompagné tout au long de mon cheminement : le besoin, l’envie de montrer la modification des formes, engendrée par l’accident nucléaire et l’invisibilité de cette modification, cette dégénérescence interne. L’envie de m’approcher le plus possible de la zone interdite et de la centrale, mais l’impossibilité physique de m’y rendre, puis la prise de conscience que ce n’était pas ce qui m’importait.
Texture des sols, contraste des ombres, rupture des matériaux, lisseur et opacité des façades : mes images livrent ce que le lieu a bien voulu me dévoiler, sa surface et non sa structure. Celle-ci se cache derrière les bâches tendues sur des fenêtres aveugles, écrans involontaires, accueillant les projections de mon esprit, seule alternative laissée à l’insaisissable mutation des éléments.
« N’applique point à la vérité l’oeil seul, mais tout cela sans réserve qui est en toi-même. »
La condition humaine, Claudel
L’image ici ne révèle rien, elle est l’élément déclencheur de notre imagination, ouvrant la route à l’essentiel : ce que l’on ne voit pas.
Le choix de la mise en forme de ce travail dans dans l'espace véhicule trois notions : celle de transport, d’architecture/structure et d’impénétrabilité.
En effet j’ai voulu exploiter la nature première de son premier lieu d'exposition, un container qui est un non-lieu, une étape passagère, un contenant dans lequel il s’agissait ici de mettre en scène le déplacement de mes images, leur voyage du Japon à la France. Elles forment ainsi avec cette structure sur laquelle j’ai pris le parti de les fixer le noyau dur, le coeur de cet espace.
Centre névralgique pénétrable par le regard du spectateur qui est appelé à tourner autour mais qui est condamné à rester en lisière et ne peut pénétrer physiquement cette surface composée de bois et d’images flottantes, translucides et réversibles.
Les images font corps avec leur support, formant une architecture à la fois construite et aléatoire, un espace qui leur est propre, nous tenant à distance et imposant au regardeur de rester en surface, le renvoyant à ma propre expérience lorsque j’ai photographié Fukushima.